En lançant son appel à textes pour le prix de la poésie 2021, à l’occasion du XXIII° Printemps des poètes, A Casa di a Puisia ne s’attendait pas à une participation massive. Une première initiative, surtout lorsqu’elle émane d’une structure à peine créée suscite rarement l’engouement, d’autant plus que les initiatives du même type sont légion.
Les organisateurs furent surpris de recevoir pas moins de 200 textes pour les deux sessions. Ce qui nécessita un réel effort d’organisation et de réactivité pour le jury dont il faut louer la disponibilité.
La session langue française du prix de la poésie 2021 a accueilli des œuvres en provenance de biens des contrées : Amérique latine, Canada, Afrique noire, Maghreb, Europe centrale. Et c’est avec émotion que nous avons pu lire des messages d’amitié saluant une initiative née dans une île de la méditerranée que l’on accuse souvent, et à tort, d’être centrée sur elle-même. Au risque de paraître quelque peu excessif, nous dirions volontiers, que lors de l’organisation de ce prix de la poésie 2021, nous avons eu l’impression que les poètes du vaste monde avaient plutôt le sentiment que l’île de Corse était un peu leur centre de gravité et c’est très bien ainsi.
La session en langue corse a accueilli un nombre moindre de participants, et c’est naturel. Mais elle a permis à de nouvelles voix de se faire entendre et de se faire remarquer et c’est là l’un des objectifs poursuivis par A Casa di a Puisia : susciter de nouveaux talents, faire connaître ceux que l’on n’entend pas, montrer que la création poétique est riche et variée.
Les appels à textes, il faut bien l’admettre, présentent tous la même limite : celle de mettre l’accent sur le ou les auteurs primés en laissant dans la pénombre ou l’obscurité les participants qui n’ont pas eu les faveurs du jury. Nous souscrivons bien volontiers à cette critique même si cette dernière doit être nuancée.
Un texte primé ne saurait être, en soi, meilleur que les autres. Un jury, n’importe quel jury, n’est détenteur d’aucune vérité, il peut se tromper, faire fausse route, céder aux aléas du moment…Toutefois, la diversité des sensibilités qui le compose, l’appréciation des œuvres par l’intermédiaire d’une grille de lecture, le caractère anonyme des œuvres examinées confèrent à son appréciation une présomption de clairvoyance. Nous pouvons dire, sans grand risque d’erreur, que si ce jury avait été élargi et diversifié, un résultat à peu près similaire aurait certainement été obtenu.
Ainsi, s’il n’existe aucun critère objectif justifiant, d’une manière définitive et incontestable, un classement, peut-être conviendrait-il de s’interroger sur ce qui fonde, ce qu’il faut bien nommer : une tendance au consensus parmi les appréciateurs.
Un poème c’est d’abord une voix et celle-ci doit, pour être audible, se distinguer du bourdonnement généré par les autres voix, même si ce bruit de fond peut avoir, en première approche, un caractère réconfortant et agréable. Se distinguer ce n’est pas crier plus fort c’est parler d’une autre manière, ce n’est pas obligatoirement dire quelque chose de neuf, c’est le dire autrement comme pour investir un canal qui aurait été délaissé voire ignoré.
Un poème touche souvent dès la première lecture non par la richesse de son vocabulaire ou l’élégance de son phrasé mais tout simplement par le timbre qui lui est propre et qui le rend à nul autre pareil. En voulant imiter, reproduire, calquer ou même respecter bien des auteurs ne parviennent qu’à enfanter des êtres morts nés alors que tout avènement devrait être synonyme de joie et d’étonnement.
Mais, dira-t-on, l’originalité de ton suffit-elle à faire en sorte qu’un poème « passe la rampe » et suscite l’adhésion du lecteur ou de l’auditeur ? Disons-le clairement : non. Il y a bien d’autres choses, intangibles, évanescentes qui semblent effleurer notre conscience sans jamais atteindre ce qu’il y a de rationnel en nous. C’est là tout le mystère de la séduction et c’est tant mieux !
La poésie qui s’exprime dans la langue de l’île de Corse, n’échappe pas à cet impératif d’originalité de l’expression. Beaucoup s’imaginent que le simple fait de citer des noms de lieux, témoins incontestables d’une spécificité, suffit à donner à un texte toute sa pesanteur. D’autres, pensant immuables certaines règles prosodiques, s’évertuent à les reproduire de la plus fidèle manière mais un nom de lieu, en lui-même, ne peut suffire à faire un poème quant à la reproduction à l’identique d’une structure langagière, elle signe l’habilité de l’artisan et non celle de l’artiste qu’est naturellement tout poète.
Ces quelques remarques qui ne sont en aucune manière des conseils mais doivent être comprises comme une sorte de bilan d’étape de cette première expérience que fut le premier appel à textes de la Maison de la Poésie de la Corse.
Que les membres du jury du prix de la poésie qui travaillèrent dans la célérité et la transparence soient ici remerciés. Et en tout premier lieu Jacques Fusina qui en assura la présidence. La poésie insulaire lui doit beaucoup et la Maison de la Poésie de la Corse lui en est reconnaissante.
Jean-Jacques Colonna d’Istria
Norbert Paganelli
JURY du prix de poésie 2021
Président : Jacques Fusina, professeur des universités, poète, parolier, romancier.
Section langue française
- Jean-Jacques Beucler, agrégé de Lettres, ancien directeur du centre culturel d’Alger
- Jean-Jacques Colonna d’Istria, directeur de revue, président de la Maison de la poésie
- Angélique Nachon, compositrice
- Françoise Salvan-Renucci, maître conférence HDR
- Marie-Ange Sebasti, agrégée de Lettres, directrice de recherche au CNRS, poète
- Mita Vostok, diplomée de Lettres, poète, photographe, plasticienne
- Alain di Meglio, professeur des Universités, poète
- Xavier Dandoy de Casabianca, graphiste, éditeur, poète
Section langue corse
- Angelique Nachon, compositrice
- Marianton Salini, conseillère pédagogique en langue et culture corses
- Alain di Meglio, professeur des Universités, poète
- Françoise Salvan-Renucci, maître conférence HDR
- Dominique Colonna, professeur en langue et culture corses, auteure
- Marcandria Peraut, doctorant en langue et culture corses